L'Eglise
Saint-Rémy de Bèze . . . dans l'ombre de l'Abbaye de Bèze (Fondée en 630)
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Eglise paroissiale Saint-Rémy de Bèze |
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Eglise Saint-Rémy de Bèze Bras gauche du transept, clocher et chœur |
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Nef unique de l'église paroissiale Saint-Rémy de Bèze |
Article
composé de plusieurs extraits du livre de Solange de Montenay
L'ABBAYE
BENEDICTINE SAINT-PIERRE DE BEZE
(son
histoire au fil des jours)
livre
réédité en 2021 par l'Association des Amis de l'Abbaye de Bèze.
* * *
"A quelle époque remonte la première église construite pour les habitants de Bèze ?
Aucune charte ne l'a rappelé. Il est vraisemblable que ce fut dans les premiers temps de la fondation de l'abbaye en 630, alors que colons et serfs se groupant autour d'elle et sous sa protection, que les moines, afin de n'être pas troublés dans leurs offices, construisirent une chapelle à leur usage, qui devint une église lorsque la population s'accrut.
★ 826-827
D'après une note manuscrite du dernier curé de Bèze avant la révolution, l'abbé Guelaud, en 1766, ce serait en l'an 826 ou 827 que l'infirmier de l'Abbaye est devenu collateur de l'église Saint-Rémy de Bèze, de celles de Bourberain et de Chevigny; un titre comportant le droit de patronage et de nomination du Curé. Cela peut paraître surprenant à cette époque, les offices claustraux n'ayant pas alors de revenus en propre. On doit donc supposer que ce fut une dérogation exceptionnelle, car le texte est formel. « Les Bénédictins se disant nominateurs ou plutôt donnant cette nomination à leur infirmier à cause de certain droit qu'il avait jadis sur les oblations faites tant à l'église dudit Bèze qu'en celle de Bourberain et Chevigny, appelé droit de Patronage à luy cédé par le Sr. Abbé sous Eugène second pour subvenir aux frais d’Infirmerie." Il y avait des dîmes de toute nature à Bèze, sur le vin, sur les vignes, les maisons, et des redevances en de nombreux villages. Cependant ces charges étaient lourdes, chacun le savait et personne ne se dérobait lorsqu'il fallait payer son dû au collateur, car c'était le plus serviable des moines. S'il avait des chevaux, comme le porte une charte de 1291, c'était pour faire amener le bois de chauffage, non seulement pour les malades de l'infirmerie, mais aussi pour tout le monastère. Comme souvent l'infirmier était, à cette époque, de la confrérie des moines médecins, ou du moins entouré de frères en faisant partie, il était certainement le plus aimé du peuple parmi les moines de l'abbaye. Il savait compatir à ses misères, atténuer bien des désespérances. Pour ses conseils, les gens lui étaient foncièrement reconnaissants et le lui témoignaient comme ils le pouvaient. Ainsi, en novembre 1296, Pierre le Guiers, de Bèze, fait donation à l'infirmier du monastère « de deux pièces de terre, du quart d'une maison, de trois bêtes à cornes et de 60 sols tournois, en reconnaissance de ses bienfaits ».
★ 1198
Dans les
dernières années du siècle, l'Abbaye flambe ainsi qu'une partie du bourg, avec
l'église Saint- Rémy. Un incendie, dont on ne sait rien, la ravage,
et dut atteindre surtout les dépendances renfermant toutes les réserves de
vivres, car les moines se trouvent du jour au lendemain sans ressources. Le
monastère lui-même ayant subi d'importants dégâts, l'abbé se voit dans
l'obligation de disperser une partie des moines dans d'autres monastères. Ne
pouvant le faire de son propre chef, une lettre du pape Innocent III à l'abbé
de Bèze, en 1198, « l'autorise à envoyer quelques-uns de ses moines à Cluny et à
recevoir à Bèze des moines de Cluny pour le plus grand bien de son abbaye
désolée par un incendie et souffrant de la pauvreté. »
★ 1209
L'église paroissiale Saint-Rémi est reconstruite par
les moines, grande et belle, à trois nefs. Le clocher s'élève au-dessus d'une
voûte qui s'élance à 61 pieds du sol (près de 20m) , surmonté d'une lanterne
aménagée en tour de guet. Le transept gothique qui subsiste actuellement est de
cette époque.
Bèze n'était pas encore affranchi. Dominant le bourg
fortifié, le clocher de l'église Saint-Rémy de Bèze était beaucoup plus élevé
qu'il ne l'est aujourd'hui, car il faisait office de tour de guet, de « cerchia
». L’avocat Bonyard écrira en 1680 encore, qu'il « sert en temps de guerre pour
y loger une sentinelle. De ce clocher on découvre de toutes parts les environs
de Bèze et les gens de cheval ou de pied qui en approchent. Le nombre des coups
de cloche est le signal des habitants pour savoir à quelle porte on doit les
observer.
★ 1636
Les jours
sombres arrivent avec l'été et l'automne. Le 16 août, Condé doit lever le siège
de Dôle. Le 28, le général allemand Mercy, à la tête de 3.000 Croates, s'empare
de Pontailler, y fait «passer au fil de l'épée tous les habitons sans
distinction d'âge ni de sexe et commet les mêmes barbaries dans tout le
voisinage jusqu'à Mirebeau où il trouve plus de
résistance »
Enfermés dans leurs murailles et leurs portes
fortifiées, les hommes de Bèze font le guet de jour et de nuit. Chacun vit dans
l'angoisse et la crainte de l'heure suivante, car déjà les armées ennemies se
rassemblent au nord. Près de Champlitte, le feld-maréchal comte de Gallas fait
sa jonction avec le duc de Lorraine et ses autres alliés. Toutes leurs forces
réunies constituent une armée formidable pour l’époque : 50 à 60.000 hommes. Du
côté français, le cardinal de la Valette campe à Montsaugeon et le duc de
Weimar près d'Isômes à la tête des Suédois alliés. Ils attendent et observent.
Le 22 septembre Gallas part de Champlitte, entre en Bourgogne et descend la vallée de la Vingeanne. Il a sous ses ordres 31 régiments de cavalerie, 12 de Croates, 8 de dragons, 33 d'infanterie, au total 84 régiments, auxquels s'ajoutent 2 compagnies de 400 Polonais et 5 compagnies franches. L'artillerie se compose de 12 pièces de canons de 24 livres de balles, 22 pièces de 18 et 12 livres, 60 pièces de régiments, 12 mortiers à bombes. 3.000 chevaux conduisent artillerie et munitions avec 1.200 charriots pour les porter. Ce prodigieux déploiement de forces jette la terreur loin en avant, jusqu'à Dijon même qui s'attend au pillage.
Le premier village exposé est Pouilly-sur-Vingeanne,
seigneurie de l'abbé de Bèze. « Tout y fut tué, les maisons brûlées, le bétail
et les grains enlevés» . Mornay,
Montigny, Saint-Maurice sont détruits; la Commanderie de la Romagne prise, une
garnison y est laissée. Descendant la vallée, Saint-Seine a le même sort.
Seules résistent à l'incendie l'église et les deux grosses tours d'entrée du
château . Puis c'est Beaumont pillé, brûlé, les habitants tués, tandis que la
forteresse tiendra jusqu'au 8 novembre. Licey, autre seigneurie de l'abbaye de
Bèze, est presque entièrement détruit. La vallée de la Vingeanne n'est plus
qu'une immense traînée de feu. De là, une partie des Impériaux prennent la
route de Noiron qui est « traité aussi cruellement que les autres » ; mais au
lieu de continuer sur Bèze, ils obliquent et se dirigent sur Mirebeau qui,
après un siège héroïque de trois jours, pendant lequel aucun secours ne lui
parvient, tombe le 24 octobre. La ville pillée, tous les habitants rencontrés
sont massacrés, 118 maisons brûlées, ainsi que le clocher dont les cloches sont
fondues. Un butin considérable en vivres de toutes sortes est fait, surtout en
sel dont l'armée impériale manque totalement. Après cela, tous les villages
voisins sont livrés au pillage d'abord, aux flammes ensuite.
Pendant que Mirebeau résiste sans espoir, le gros des
Impériaux se dirige vers la Saône. Sur leur route, ils pillent et incendient
Arçon, seigneurie des moines de Bèze, dont certains habitants ont pu se
réfugier au château de Belleneuve. Trochères est pillé et brûlé, le prieuré de
Saint-Léger et ses dépendances de même ; puis, le 25 octobre, l'armée prend ses
quartiers devant Saint-Jean-de-Losne.
Le siège mémorable de cette petite cité est le point
culminant de la campagne. C'est le grain de sable qui va enrayer la machine
infernale. Après neuf jours d'efforts infructueux, le siège est levé le 3
novembre, les bagages chargés de nuit sous la pluie. Les charriots
s'embourbent. Ordre est donné d'enterrer la grosse artillerie et de lever le
camp en hâte. Le sol reste jonché de munitions, d'armes, de voitures enlisées.
C'est la retraite, la fuite éperdue par la même route qu'ils ont suivie en
conquérants, la seule qui leur reste ouverte. Condé, la Valette, Weimar les
serrent de près. Eternelle route des invasions et des retraites allemandes
passant par Bèze, ou si près, que sa région n'est au cours des siècles que
ruines recouvrant d'autres ruines. Les troupes de Charles de Lorraine décampent
les premières, les Autrichiens suivent, puis les Espagnols et les Comtois. Les
Croates forment l'arrière-garde, ne laissant derrière eux que poutres fumantes
et terre brûlée.
A Bèze, c'est la panique lorsque les guetteurs, du
haut du clocher donnent l'alarme. La population compte sur les fortifications
du bourg pour la protéger, et les hommes gardent les portes, prêts à la
résistance. Mais que peuvent faire de vieilles murailles pour garantir d'une
pareille avalanche, d'une armée qui doit à tout prix traverser la rivière à
Bèze parce qu'il y a un gué. Bientôt les boulets font des brèches par
lesquelles les Croates déchaînés pénètrent dans le bourg. Les hommes trouvés
sont tués, les maisons pillées, les réserves de grains entassées sur des
chariots, l'abbaye déserte, délestée de tout ce qui leur tombe sous la main ;
puis, lançant en hâte quelques torches enflammées dans les bâtiments claustraux
et une partie du bourg, ils quittent Bèze, laissant le monastère et le village
fumants, comme les Normands et les Hongrois autrefois.
A peine le dernier Croate parti, les habitants qui
avaient pu fuir ou se cacher, reviennent combattre l'incendie. Hommes, femmes,
enfants, font la chaîne depuis la rivière qu'ils déversent dans le bourg, dans
le monastère ensuite. Les hommes se précipitent sur les principaux foyers où, à
coups de hache et de pic, ils font la part du feu. L'incendie est enfin
péniblement maîtrisé. Il est temps, car la nuit de novembre tombe vite et ils
sont à bout de forces. Dans la crainte de foyers renaissants, des patrouilles
s'organisent lorsque, soudain, l'alerte est donnée qui sème l'effroi : une
armée s'avance sur Bèze. Branlebas dans la pénombre de la nuit qui vient. Les
hommes sont fourbus, et il n'y a plus de défense possible. Heureusement, c'est
l'armée royale qui apparaît, et les gens se croient sauvés . . .
Le cardinal de la Valette, lieutenant-général des
armées du roi qui, devenu d'Eglise, n'en prit ni les ordres ni les habitudes,
commande les Français ; le duc de Saxe-Weimar est à la tête des Suédois, alliés
de la France. « Mais leurs troupes, écrit dom Plancher, faisaient presque
autant de mal dans leur passage que l'armée ennemie. A Bèze entre autres, les
dégradations que firent les troupes du duc de Waimar ne le cédoient pas à
celles que fit Gallas dans le voisinage. »
Tandis que La Valette et Weimar poursuivent l'ennemi
en déroute, les Suédois restés à Bèze en leur absence mettent le bourg au
pillage. Les «Suédois» de Weimar n'étaient autres que des Allemands, qui furent
appelés ainsi parce que leur chef, avant de passer au service de la France,
avait été à celui de Gustave-Adolphe, roi de Suède, de qui il avait appris les
nouvelles tactiques de guerre .Partout
où-ils passèrent ils furent plus néfastes que l'ennemi lui-même. Mercenaires s'enrôlant
pour le pillage plus que pour une paie régulière, ils ne faisaient aucune
différence entre les belligérants et saisissaient toute occasion pour faire
main basse sur le moindre butin.
Dès l'annonce de l'entrée de Gallas en Bourgogne les
habitants de Bèze avaient porté ce qu'ils possédaient de plus précieux dans
leur église fortifiée et son clocher muni de salles de guet A l'arrivée des troupes de Weimar, certains
les considérant comme des alliés de bonne foi durent avoir la naïveté de leur
révéler où la richesse de chacun était entreposée. L'amour du lucre aveugle
alors ces alliés d'occasion, qui combattent avec la même ardeur pour l'un ou
l'autre camp. De plus, soldats luthériens,
ils n'ont aucun respect pour une église de papistes.
Ils tentent vainement d en enfoncer les lourdes portes et ne pouvant les
ébranler entassent des fagots et y mettent le feu. Gagnant rapidement le
faîtage de la nef, les flammes montent le long de la tour du clocher qui
résiste, mais dont les pierres sont calcinées. Ce gigantesque incendie, que
certains ont attribué à l'armée de Gallas, ne fut pas de son fait, elle n'en
eut pas le temps dans sa retraite. Il est l'œuvre de ces mercenaires, dits «
Suédois », alliés des Français -
En outre, ils pillent les maisons, les caves, les
celliers de l'abbaye, font bombance et, lorsqu'ils sont ivres mettent le feu
partout. Leurs ravages à Bèze sont infiniment supérieurs à ceux de l'armée de
Gallas qui n'avait fait que traverser le bourg en hâte. Après cinq jours vécus
aux frais de l'habitant ils partent, emmenant « tous les bestiaux, meubles et
grains comme ilz faisoient partout où ils passoient » L'abbaye, vidée presque entièrement, est en
partie incendiée.
La population de Bèze n'est pas seulement atteinte
dans ses biens, elle va l'être plus encore, dans sa vie même. Parmi les Suédois
la peste sévissait, comme partout alors, et les habitants sont très vite
contaminé. A la suite de ce cantonnement de cinq jours, la rivière qui traverse
le bourg dans toute sa longueur est polluée. Dans chacune des rares maisons
habitables. il y a des malades ; les gens s'y entassant faute de logements, la
contagion gagne rapidement. Par surcroit, la famine. Les Suédois ont emporté
toutes les réserves de grains et les environs ont été pillés de même, soit par
eux, soit par les Impériaux. Famine et peste déciment la population de Bèze et
les dépendances de l'abbaye. Leurs meubles emmenés, les gens couchent et
meurent sur la paille.
★ 1644
Le 23 juillet 1644, en l'hôtel de Nicolas Philpin,
conseiller du roi, élu et contrôleur de l'Election de Langres, Nicolas Febvre,
procureur en l'Election, lui expose au nom du révérend seigneur Messire Charles
de Ferrières de Sauvebœuf, abbé et baron de Bèze, comment du fait « de l'armée
de Sa Majesté, qui avoit esté en ses quartiers en l'année 1636 et de celle de
Galas, il auroit esté contrainct dès ledict temps de quitter et abandonner
ladite terre de Besze à cause des courses continuelles que les ennemysèze
n'était pas encore affranchi. Dominant le bourg fortifié, le clocher de
l'église Saint-Rémy de Bèze était beaucoup plus élevé qu'il ne l'est
aujourd'hui, car il faisait office de tour de guet, de « cerchia ». L’avocat
Bonyard écrira en 1680 encore, qu'il « sert en temps de guerre pour y loger une
sentinelle. De ce clocher on découvre de toutes parts les environs de Bèze et
les gens de cheval ou de pied qui en approchent.
La visite, qui commence par l'abbaye, montre le
pont-levis en ruine ; la « planchette », c'est-à-dire le petit pont-passerelle
sur la rivière, de même. A côté, se trouve la chapelle Notre-Dame, faisant
partie du chevet de l'église : « le toict et la voulte enfoncez et les images
rompues et bruslez », elle est presque entièrement démolie . L'ancien choeur de
l'église, qu'elle prolonge, est « aussy ruyné » : sa voûte n'est protégée par
aucun toit, « la pluye passant partout au travers d'icelle, laquelle tombera en
bref par terre s'il n'y estoit remédyé, estant icelle voulte toute pourrye et
rompue en quelques endroictz ». Dans l'église même, il pleut en maints
endroits, son cloître est complètement désert, « la chapelle Saint-Estienne
entièrement ruynée ».
Le conseiller Philpin, accompagné du procureur et de
son greffier, se mettent en route le jour même, et le soir ils vont « gister au
lieu de « Selongey ».
Le lendemain 24 juillet, ils arrivent à Bèze « à
l'heure de midy » et prennent « logement en la maison de Richard Perceraud,
hostellier audict lieu. La visite, qui commence par l'abbaye, montre le
pont-levis en ruine ; la « planchette », c'est-à-dire le petit pont-passerelle
sur la rivière, de même. A côté, se trouve la chapelle Notre-Dame, faisant
partie du chevet de l'église : « le toict et la voulte enfoncez et les images
rompues et bruslez », elle est presque entièrement démolie . L'ancien choeur de
l'église, qu'elle prolonge, est « aussy ruyné » : sa voûte n'est protégée par
aucun toit, « la pluye passant partout au travers d'icelle, laquelle tombera en
bref par terre s'il n'y estoit remédyé, estant icelle voulte toute pourrye et
rompue en quelques en-droictz ». Dans l'église même, il pleut en maints
endroits, son cloître est complètement désert, « la chapelle Saint-Estienne
entièrement ruynée ».
La visite des prudhommes se poursuit avec, partout,
les mêmes constatations. La grande salle, un bâtiment de la basse-cour, le
pressoir, ne sont que ruines. « Et quant aux quatre tours de ladicte abbaye,
l'une d'ycelles appelée la Vieille prison, le toict et couverture d'icelle est
entièrement enfoncé et la pluye tombant journellement sur lesdictes murailles
et voulte et que si bientost ladicte tour n'est recouverte les murailles
tomberont par terre et pour les trois autres ont besoin de recouvrer partout et
plusieurs autres réparations par dedans icelle. » De plus, il y a des brèches
dans les murailles et l'enclos de l'abbaye, où « il est besoing de promptes
réparations sinon elles tomberont entièrement par terre ».
Sur 95 maisons détruites ou endommagées dans le bourg,
37 seulement appartiennent à des hommes encore vivants, les autres
propriétaires sont morts, ainsi que leurs héritiers. La toiture de l'église
paroissiale est crevée, il n'y a presque plus de vitres, « le fenestrage est
rompu ». La « maison de ville » est en ruine, les murailles du bourg ont de
nombreuses brèches. La forge et le fourneau de Bèze, détruits, sont
inhabitables.
Quant aux dépendances plus lointaines de l'abbaye.
Arçon, Viévigne, Noiron et les autres seigneuries, métairies et moulins, les
prudhommes les ayant vus, les déclarent « inhabités et ruynés depuis longtemps,
partyes desdicts lieux bruslez et incendiez, les terres en friches et non
encemancées ».
Dans le finage de Bèze, le demi-tiers seulement des
terres est cultivé, « emplantez des quatre grains », tout le reste est en
friche et désert depuis longtemps, « ce qui paroict par ies grandes herbes,
buissons et espines qui ont crues dans lesdictes terres... ». Partout, les
vignes gelées et grêlées récemment encore, si bien qu'il n'y aurait pas « es
pais pour faire un muid de vignes dudict lieu de Bèze », tant au clos de l'abbé
que dans ses autres vignes ou dans celles des habitants.
Tel est l'état de Bèze et des lieux dépendant de
l'abbaye huit ans après Gallas. Toute la région environnante offre le même
aspect de désolation. Les enquêteurs, entre 1644 et 1646, rapportent n'avoir «
trouvé que cendres, ruines et quelques habitants vivant dans des cabanes
noircies par le feu, au milieu de terres en friches. Vingt villages sont
entièrement déserts ».
★ 1698
L'entretien de l'église du bourg incombait, selon
l'usage, en partie à la commune, en partie à l'abbé de Bèze. Celui-ci avait la
charge du chœur, en tant que seigneur décimateur. La nomination du curé de
Saint-Rémi était, comme on le sait, dans les attributions de l'infirmier de
l'abbaye ; mais Charles de Ferrières, ayant capté tous les offices claustraux,
avait eu le patronage de l'église, ce qui l'obligeait à assurer l'entretien du
chœur. Il n'en fit rien. Son neveu Jean de Sauvebœuf pas davantage. Saint-Rémi,
brûlé au temps de Gallas, et dont la nef était découverte, avait été
sommairement réparée par les habitants. Longtemps le transept et le chœur
suffirent à la population réduite ; mais aucune restauration sérieuse n'ayant
été entreprise, l'église fut interdite en 1698, à la suite d'une visite de
l'archidiacre Filzjean. La chapelle Saint-Prudent, dont les reliques étaient
alors à l'abbaye, reçut les paroissiens qui y trouvèrent la place suffisante.
★ 1767
L'église Saint-Rémi non restaurée, restant interdite
depuis 1698, les offices se célébraient dans la chapelle Saint-Prudent depuis
lors. Celle-ci très suffisamment grande pour la population réduite du début du
siècle, ne l'était plus devant l'accroissement notable des habitants ; mais la
force de l'habitude était telle que les gens ne le remarquaient pas. L'abbé
Guelaud, dès son arrivée à Bèze, fut le premier à le leur démontrer et à
réclamer la restauration de son église en titre.
Poussés par leur nouveau curé, les habitants décident
la reconstruction jusqu'au transept, de la nef brûlée par Gallas, ce qui avait
motivé l'interdiction. Comme on l'a vu, seul le chœur était à la charge des
moines en tant que seigneurs décimateurs. Un violent procès devait sortir de
cette décision, où l'abbé Guelaud devait jouer un grand rôle et, déjà,
l'opposer aux bénédictins.
★ 1768
Au début de 1768 la réfection de la nef est mise en adjudication. Un certain Rosat obtient l'entreprise et les deux collatéraux sont démolis. La bénédiction de la première pierre du portail a lieu le 28 février. En juin la nef, presque entièrement découverte, a mis à nu la base de la tour du clocher qui présente une lézarde inquiétante. Devant ce surcroît de dépense leur incombant, les habitants, conseillés par leur curé, veulent en faire supporter la charge aux moines, bien que le clocher, tour de guet du bourg ait toujours été entretenu par la commune de Bèze comme étant placé sur la nef. Une longue polémique, offrant un caractère pré-révolutionnaire ; s’engage, avec expertises de part et d'autre, procès, plaidoyers virulents des habitants, pour aboutir a une transaction par laquelle les moines capitulent avec aménité. Contre l'usage établi jusqu'alors, ils consentent à faire réparer la tour du clocher, bien qu'ils estiment que la démolition de la nef ait contribue a aggraver la lézarde en laissant tout un côté de la tour suspendu dans le vide. Les Bénédictins prendront même à leur charge tous les frais de procès incombant aux habitants, sauf toutefois les honoraires de leur expert. La transaction est passée à Langres devant le procureur Philpin de Piépape le 7 mars 1769. Le 12, la population de Bèze la ratifie en l'auditoire du bourg, et le 20 tous les moines en la salle du Chapitre du monastère. Ils sont au nombre de huit à l'abbaye ;
Dom Jean-Jacques Vaudray, prieur ;
Dom Joachim Pioche, sous-prieur ;
Dom Zacharie Merle, cellérier-procureur (mais pour
lors absent de Bèze),
Dom Nicolas Joly, sous-cellérier et dépositaire ;
Dom Philibert Léaulté, doyen ;
Dom Charles Munier, sacristain ;
Dom Jean-Marie-Judith Calon ;
Dom Hugues-François Bernard, secrétaire ;
Dom François Mortier ; tous religieux profès.
Messire Jean-Baptiste Guelaud, curé, procureur spécial
des habitants
est présent et signe en leur nom .
Le curé Guelaud triomphe, et ses paroissiens ne voient
plus que par ses yeux. Il a eu gain de cause dans le procès, les moines ont
capitulé et s’engagent à entretenir à l’avenir le clocher et sa tour. Il ne se
montre pas peu fier de ce succès, s’en sert comme d’un piédestal et entretenant
soigneusement l’animosité de la plupart de ses ouailles contre leurs seigneurs,
voit grandir sa popularité.
★ 1770
L’année suivant 1770, nouvelle Procédure au sujet des
chapelles latérales de l’église, celles de Saint-Mammès et des Saints Ferréol
et Ferjeux, aujourd’hui chapelles de Saint-Rémi et de la Vierge. Mais elle ne
prend pas l'ampleur du procès de 1768. La construction achevée, l'église est
consacrée le 30 octobre 1770 par Jean Arnault, curé d'Arceau et doyen de Bèze,
commis à cet effet par l'évêque de Dijon.
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Notre-Dame des Groisses (Classée MH en 1907) |
Une autre statue, fort belle, a
survécu à la destruction fanatique. Après avoir séjourné un siècle encore à
Bèze, elle est allée se perdre dans l'anonymat des antiquités monastiques
éparses dans le monde. Sainte Syre, pieuse pèlerine honorée en Champagne, avait
été taillée dans la pierre en un style très champenois aux environs de
1528-1539, d'après Henri David c'était
sous l'abbatiat de Jean de Fay.
Elle mesurait 1 m. 30 de haut. Un
écusson portant les armes du donateur interrompait le nom de sainte Syre gravé
sur le socle : de... à la fasce de... accompagnée de 3 étoiles de... Ces mêmes
armoiries se retrouvent au pied de la Vierge à l'Enfant, dans l'église de
Licey. Elles appartiendraient aux Jaquot, grande famille de magistrats qui
portaient « d'azur à la fasce d'or, accompagnée de 3 étoiles du même ». Paris
Jaquot, avocat du roi au bailliage de Dijon et avocat général au Parlement de
Bourgogne en 1526, aurait pu être le généreux donateur de ces deux statues à
l'abbaye de Bèze (H. David : op. cit., 179 à 181 avec représentation
lithographique de la statue disparue).
Elle avait été placée aux abords
immédiats de l'abbaye, près de la tour aux Choues et des bâtiments de
l'ancienne lingerie convertis en ferme. Les descendants du premier acquéreur la
vendirent vers 1890 à l'un de ces antiquaires qui écumaient les campagnes.
Ailleurs, à la limite du bourg
fortifié et à côté de la porte Saint-Prudent, se voit une petite statue
encastrée dans le mur au faitage d'une maison dominant autrefois les remparts.
Ce n'est plus que le moulage en plâtre de l'original, vendu au début du siècle
et parti, comme sainte Syre, pour un lieu inconnu. Personnage aux traits
juvéniles, vêtu d'une robe descendant jusqu'aux talons, sur laquelle il porte
un ample manteau ouvert, presque aussi long. Mains jointes, tête nue montrant
une épaisse et longue chevelure, le manipule au bras gauche, insigne des
diacres. C'est en effet le diacre de Narbonne, saint Prudent, le Guérisseur,
dont la statue originale en pierre était autrefois dans sa chapelle. Et cette
petite et timide effigie du grand saint vénéré à Bèze, l'unique connue, nous
montre la forme sous laquelle les moines l'ont présenté aux fidèles. Son
attitude de prière semble implorer la guérison de ceux qui lui sont amenés, la
tête penchée sur le côté et les yeux baissés il paraît compatir à leurs
misères. Aujourd'hui, il semble accueillir l'arrivant à l'entrée du bourg qu'il
protège.
Par contre, une statue en pierre,
très mutilée, mais qui paraît être un saint André d'après sa croix sur le côté
gauche, est gardée pieusement par une autre famille qui met dans sa possession
une vertu tutélaire. Car il est de règle à Bèze que ce qui vient de l'abbaye ne
doit pas quitter le bourg, ni même la maison où un vestige a échoué après la
tourmente. C'est une croyance qui a ses racines au plus profond de la race.
Ceux qui enfreignent ce précepte ont tout à craindre.
La chapelle Saint-Prudent est transformée
en habitation, partagée dans sa longueur en trois pièces et en trois étages
dans sa hauteur. Elle conserve encore, apparente dans son grenier, sa charpente
d'origine voûtée en bois de châtaignier et la petite rose éclairant faiblement
son chevet. Ses vieilles dalles d'église, usées par endroit par la foule des
pèlerins et le passage des voitures de malades, gardent l'empreinte de l'autel
sur lequel reposait la châsse resplendissante du saint Guérisseur."
Par Solange de
Montenay
L'ABBAYE BENEDICTINE
SAINT-PIERRE DE BEZE
(Son histoire au
fil des jours)
* * *
AUTRES ELEMENTS DU PATRIMOINE MOBILER DE L'EGLISE SAINT-REMY
(Source Plate-Forme Ouverte du
Patrimoine du Ministère de la Culture)
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Statue de la Vierge à l'Enfant, 4e quart 15e siècle - située bras droit du transept |
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Retable architecturé à niche - Statue Saint Rémy |
dans retable - située bras gauche du transept
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Statue Sainte Madeleine
(petite nature) 1ère moitié 16e siècle - Chœur |
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Statue Saint-Jean Baptiste 1er quart 16e siècle - Choeur |
Tableau Saint-Rémy baptisant
Clovis 1er Copie du XIXe de l'original de la Cathédrale de Reims exécuté par Sachetti Tableau de 3,80 x 3,00m situé bras gauche du transept |
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Statue Saint-Rémy (1) 15e siècle (petite nature, hauteur 125cm) Posée près des fonts baptismaux |
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Fonts Baptismaux 19e siècle- Près du portail d'entrée |
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Christ en croix 16e / 17e siècle - Grandeur
nature Bois : teinté (foncé), vernis |
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Clôture sanctuaire (grille de communion du chœur), provenant de l'Eglise Abbatiale de l'Abbaye de Bèze |
Clôture de sanctuaire devant l'autel (Grille de
communion)
En provenance de l'Eglise Abbatiale de l'abbaye de Bèze,
incendiée à la Révolution
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Cloche
N°3 plus petite, datée de 1710, fondue par Charles Joly fondeur à Brévannes, provenant également de l'Eglise Abbatiale de Bèze |